
TAN FÉ TAN, TAN KITÉ TAN
2023
Les héritages d’une histoire collective
L’exposition Tan fè tan, tan kité taN interroge les traces visibles et invisibles laissées par l’histoire de l’esclavage dans les territoires antillais et en France hexagonale. À travers une série de portraits et d’images de vestiges en noir et blanc, le photographe Sylvain Demange met en lumière la transmission – parfois inconsciente – de cette mémoire et la façon dont elle façonne encore les sociétés d’aujourd’hui.
Présentée pour la première fois à Nantes en 2023, dans les douves du Château des ducs de Bretagne, cette exposition en grand format plonge le spectateur au cœur de paysages chargés d’histoire et de récits humains profonds.
Regards croisés entre les Antilles et Nantes
Les photographies de Sylvain Demange, réalisées en Martinique, Guadeloupe et à Nantes, capturent l’essence d’un passé colonial qui résonne toujours dans le présent. Chaque image, qu’il s’agisse d’un visage ou d’un vestige, témoigne d’une mémoire qui traverse les générations et invite à une réflexion sur les non-dits et les traumatismes hérités.
Portraits et paysages : Une approche sensible qui met en dialogue les individus et leur environnement.
Mémoire et transmission : Comment cette histoire continue-t-elle d’influencer les sociétés antillaises et hexagonales ?
Photographies en noir et blanc : Un contraste saisissant entre la beauté des territoires et les cicatrices du passé.
Le mot de l'artiste, Sylvain Demange :
« L’esclavage est une composante historique fondatrice des sociétés antillaises. Au cours de ces derniers siècle, les Antilles se sont développées avec le colonialisme et l'esclavage en héritage. J'ai entretenu au cours de mon enfance parisienne de nombreuses amitiés avec des enfants originaires des Antilles, nés dans l’hexagone, en Guadeloupe, en Guyane ou en Martinique. Adolescent, je pressentais déjà que je serai intimement lié à ces lieux. Mais jamais il ne m'aurait été possible d'imaginer à l'époque la place que ces territoires allaient prendre dans ma vie d'adulte, bien des années plus tard. Je découvre la Martinique au début des années 2000 à l'occasion d'un séjour de vacances. Je tombe immédiatement sous le charme de ce bout de terre volcanique et de ses habitants. Depuis, inlassablement, j'y reviens chaque année, quelquefois même, plusieurs fois par an. Je suis irrésistiblement attiré par le passé et les mémoires de cette île. Je suis envouté par ses paysages luxuriants, par ses senteurs, par ses couleurs, par la vitalité incroyable qui exhale de ces lieux. Et puis, plus que tout, je suis tombé sous le charme des différentes composantes de sa population... L'idée d'aborder le thème de l’esclavage et d’en interroger la mémoire et le processus de transmission s'est immédiatement imposée à moi. C’est un sujet riche, complexe et douloureux. Il m’a fallu du temps afin de trouver la meilleure façon de documenter ce sujet en photographie. Ici, quasiment tout le monde à un passé ou une histoire en lien direct avec l'esclavage. Ces liens au passé ne sont pas toujours conscients et assumés, il induisent souvent, de façon inconsciente, des failles, et, parfois, des traumatismes psychologiques. Lorsque je réalise un portrait, je ne cherche pas systématiquement à établir une relation entre le descendant d’esclave et les sites où demeurent encore à ce jour de nombreux vestiges. Les liens entre le territoire, la traite transatlantique et le passé de l'esclavage sont toujours présents en filigrane; ils s'imposent même au regards du visiteur. Aujourd’hui encore, les innombrables vestiges de l'esclavage contrastent toujours avec la beauté naturelle des paysages de l'île. Chaque vestige encore présent, fut-ce-t-il même éboulé, chaque pierre, chaque infime trace disséminée sur tout le territoire insulaire nous interpelle et nous questionne sur notre propre passé colonisateur. Chaque rencontre nous amène à nous interroger sur la meilleure façon de s’approprier cette mémoire, individuellement et collectivement; ainsi que sur la mise en valeur et la transmission de cet héritage commun. »
Un dialogue entre photographie et histoire
Afin d’enrichir la réflexion, l’exposition est accompagnée des analyses de l’historienne Myriam Cottias, du professeur Aimé Charles-Nicolas, et de Patricia Beauchamp-Afadé des Anneaux de la Mémoire.
L’exposition a été présentée à Nantes dans le cadre des Commémorations pour la mémoire de l’esclavage 2023, en partenariat avec Les Anneaux de la Mémoire et Mémoire de l’Outre-Mer.